Quoi de mieux pour fêter la rentrée de Culture Underground que de tester un titre Ubisoft, mais pensé comme étant un jeu indépendant ? Bien évidemment, les détracteurs pointeront les arguments commerciaux douteux énoncés par le très célèbre studio, spécialiste des triples AAA, pour promouvoir ce titre qui n’a vraiment rien d’indépendant si ce n’est “un petit air”. Mais avant d’émettre un jugement hâtif, peut-être vaut-il mieux laisser une chance à un jeu qui, du moins à première vue, semble loin d’être dénué d’originalité.
Aurora, la princesse maudite
Nous sommes à la fin du XIXe siècle, Aurora, jeune princesse, orpheline de mère réside seule avec son père dans un château. Un beau jour, elle tombe gravement malade et meurt. Dévasté, son père sombre peu à peu dans la dépression laissant les habitants à leur triste sort. Pourtant, Aurora se réveille un beau jour dans un monde à mi-chemin entre rêve et cauchemar : Lemuria. Un univers empli de ténèbres, peu familier et terriblement déroutant. Pour retourner auprès de son père, elle doit retrouver les étoiles, la lune et le soleil kidnappés par la reine de la nuit. Les premiers pas dans Lemuria se font en compagnie d’Igniculus, une luciole qui regorge de talents cachés.
Child of Light : entre plateforme et RPG
Afin d’accomplir la quête Aurora, il faut compléter une dizaine de chapitres qui se décomposent en phase de plateforme, de combats au tour par tour et d’énigmes à résoudre. Lors des phases de plateforme, le joueur contrôle non seulement Aurora (au clavier), mais également Igniculus (à la souris) qui peut illuminer divers points d’intérêt. Dénicher des passages secrets, activer des leviers, projeter des ombres sur le mur, casser des cristaux pour récupérer du loot, etc.
Igniculus, au boulot, il faut ouvrir cette porte !
Si cette ambivalence du gameplay est à première vue alléchante, elle n’empêche pas de rester sur sa faim. En effet, les phases de plateforme n’ont rien de sensationnel. Le chemin à suivre est instinctif et si on n’est pas spécialiste du farming à 100 %, on peut tout à fait voler directement à la fin du niveau sans ramasser tous les coffres ni les poudres d’étoile. Quant aux énigmes, elles affichent une difficulté quasi inexistante. La plupart consistent à projeter une ombre de lune sur une lune, une ombre de soleil sur un soleil…
Bref, même en prenant largement son temps, la barre d’énergie d’Igniculus se vide à peine lors de l’opération. Néanmoins, l’intérêt de Child of Light réside davantage dans le up d’Aurora et de ses compagnons. Chaque montée de niveau améliore automatiquement des statistiques – selon la classe du personnage – comme les points de vie, les points de magie, la force, la défense, l’esquive. Chacun des compagnons possède son propre arbre de talents, et comme l’expérience octroyée en fin de combat est plutôt généreuse, il est possible de se faire plaisir.
La simplicité a parfois du bon…
Outre l’arbre de talents, Child of Light intègre également un système d’oculi, de petites pierres trouvées au fil de l’aventure et qui peuvent être combinées. Elles améliorent le gain d’expérience, les points de vie, les dégâts. Toutefois, il est possible de critiquer l’intérêt de ce système puisqu’objectivement il n’apporte rien d’exceptionnel. Il en est de même pour les différentes poudres d’étoile qui augmentent durablement les caractéristiques des personnages. Néanmoins, comme il est possible de refaire l’aventure, une fois terminée, mais en corsant la difficulté, peut-être que dans ce cas-là, les oculi et les poudres d’étoile sont-ils utiles.
Child of light : une ambiance conte de fées
La singularité de Child of Light réside davantage dans le chara-design si tant est que l’on soit sensible à ce type d’illustrations. À l’instar de Gris qui brillait en ce point, les différents tableaux de Child of Light sont empreints d’originalité et plutôt bien illustrés par la bande-son. L’aventure oscille entre la pénombre des grottes et la lumière du ciel, la diversité des villages qu’Aurora aura le loisir d’explorer et des scènes dignes de chimères. L’ensemble est assez dosé pour créer cette pointe de suspense qui fait que le joueur a envie de mener l’aventure à son terme. En effet, Child of Light se déguste comme un livre pour enfants, malgré la noirceur de certains passages.
Les bassins permettent à Aurora d’avoir des nouvelles de son père et du château.
Au fil de ses pérégrinations, la princesse explore des réminiscences, découvre les mésaventures de ses compagnons et se plaît à aider son prochain. Child of Light intègre un certain lot de quêtes secondaires et cela aurait pu être un bon point. Néanmoins, la plupart des quêtes sont validées automatiquement durant la progression. Toutefois, si l’on veut prolonger son expérience de jeu, pourquoi pas. La carte de Lemuria permet d’ailleurs de se déplacer rapidement pour revenir à tel ou tel endroit de l’aventure.
Une narration sans saveurs
Venons-en maintenant au sujet qui fâche : la narration. Si Child of Light a fait le choix d’un parti pris intéressant qui consiste à faire parler les personnages avec des rimes, nul doute que cette fantaisie ne fera pas l’unanimité. L’écriture des différentes scènes est au mieux passable. On n’observe aucun cachet dans les différents dialogues et plus même, les “interactions” avec les différents personnages se limitent à des lieux communs. Comme si la volonté des développeurs était de combler les trous.
Aurora : princesse Badass avec une grosse épée. Confiance en elle : 0. Tendance à pleurer : 100.
Qui plus est, inutile de s’attendre à pouvoir sélectionner les répliques ou agir d’une manière ou d’une autre sur le déroulement de l’histoire. L’aventure principale de Child of Light est linéaire au possible. Tout au plus, on a le loisir de choisir d’aider ou ne pas aider tel ou tel personnage. Par ailleurs, si Child of Light ressemble à un conte de fées pour adultes, c’est à travers le côté très enfantin d’Aurora qui aura tendance à la longue d’énerver le joueur plutôt que de créer un quelconque lien affectif.
Voir Aurora pleurnicher encore et toujours, ça monte à la tête !
Child of Light : le système de combat
L’épée d’Aurora a quand même une bonne allonge…
Avec cette aura résolument fleur bleue, il est légitime de se demander à quoi s’attendre en matière de combats. Eh bien, Child of Light exploite une recette sans énormément d’ingrédients, mais qui marche. Les combats, toujours au tour par tour, se déroulent sur le schéma suivant : 2 alliés vs 3 ennemis. En bas de la fenêtre de jeu s’affiche une barre de progression divisée en deux phases : la phase d’attente et la phase d’exécution. L’ordre d’action est déterminé par la vitesse des personnages, mais aussi par les bonus/malus. Arrivés à la phase d’exécution, les personnages peuvent attaquer (ou fuir, mais bon…), utiliser une potion ou laisser leur place sur le champ de bataille à un combattant davantage à la hauteur de la situation. Toutefois si l’ennemi réussit son attaque durant ce laps de temps, l’action sera interrompue. Et certaines actions sont plus longues à entreprendre que d’autres, notamment les sorts à haut niveau. Cette particularité a tendance à “corser” les combats même si dans Child of Light, la difficulté reste largement surmontable.
L’idée d’exploiter les vulnérabilités des différents éléments est plutôt un plus.
Si l’on peut rester dubitatif quant au niveau de “fun” du système de combat de Child of Light, il faut savoir qu’Aurora, tout au long de son aventure, rencontrera des compagnons d’armes. Chacun dispose de son propre arbre de talents, de ses forces et de ses faiblesses. Et il en est de même pour les créatures. Certaines sont sensibles au feu, d’autres aux sorts de lumière, d’autres encore aux dégâts physiques. Bref, en cogitant un peu, adapter sa stratégie est un jeu d’enfant. Au pire, la mort n’est pas définitive puisqu’en cas de défaite, on est rapatrié peu avant le combat fatal. Qui plus est, Igniculus, la petite luciole, n’est jamais bien loin et peut soigner les alliés ou éblouir les ennemis. Une aide des plus précieuses.
Child of Light : une expérience en demi-teinte ?
Si la diversité des sorts est un bon point, on peut noter la quasi-absence d’animations pour les illustrer. En fait, tout au long des quelque 10 heures de jeu, on a comme une impression viscérale que malgré une bonne idée de base, les développeurs n’ont pas poussé pleinement le potentiel que possède ce titre. Il faut avouer que la narration est loin d’être rédhibitoire. Les férus de versifications peuvent se délecter des “confessions”, des lettres trouvées dans les recoins de Lemunia et qui poussent le background du jeu un peu plus loin. Le chara-design et la bande-son créent un univers crédible… Le scénario n’est pas très complexe, mais cela n’enlève en rien au plaisir du jeu…
En somme, malgré des moments parfois lassants, il y a quelque chose dans Child of Light qui motive l’envie d’avancer. Peut-être est-ce l’once d’âme d’enfant qui demeure dans chaque être ?
Les miroirs ont toujours une dimension onirique.