misery

Misery, Stephen King — ed. Le Livre de Poche

Misery, un classique de Stephen King

L’idée est sim­ple : À la suite d’un acci­dent de voiture, un écrivain de renom, privé de ses jambes, se fait séquestr­er par “son admi­ra­trice numéro 1” qui est acces­soire­ment, une grosse psy­chopathe et une tueuse en série qui le somme d’écrire une suite plau­si­ble de son ouvrage phare Mis­ery – et donc ain­si ressus­citer l’héroïne.

Jusqu’i­ci le syn­op­sis paraît prometteur.

L’ou­vrage est divisé en 4 grands chapitres : Annie, Mis­ery, Paul et Déeese – le qua­trième étant plus court, tel un épi­logue. Chaque chapitre con­tient lui aus­si des chapitres très brefs, ce qui facilite la lec­ture et crée un cer­tain rythme : bien, mais… Il y a une sorte de lenteur dans le pre­mier tiers de l’ou­vrage. L’idée est certes d’im­mis­cer le lecteur dans une sorte cli­mat plus qu’anx­iogène, mais en résulte plutôt un pro­fond ennui.

On se rend assez compte rapi­de­ment qu’An­nie est une véri­ta­ble psy­chopathe. Bien, l’in­trigue peut commencer.

À par­tir du moment où la tor­tion­naire Annie va apporter à l’écrivain une machine à écrire “éden­tée” (il manque le “n”), Paul va se met­tre à la rédac­tion du “retour” de Mis­ery, il com­prend rapi­de­ment que sa vie ne tient qu’à un fil, celui du réc­it de son roman. Il le dira lui-même plus tard : il devient une sorte de Shéhérazade.

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Un des bons points de l’ou­vrage est qu’il y a un effet crescen­do per­ma­nent tout le long de l’ou­vrage. Une surenchère inces­sante, mais légitime. Une Annie de plus en plus folle, un Paul de plus en plus estropié, mais de plus en plus soucieux de finir son roman. Cette Annie sem­ble avoir tou­jours un temps d’a­vance sur Paul. Par exem­ple : quand celle-ci s’ab­sente à la suite d’une grosse crise de colère, Paul tente sa chance et sort de sa cham­bre pour ten­ter de s’échap­per de son cal­vaire. Il sub­tilis­era seule­ment quelques anti­douleurs et fera en sorte de ne pas être repéré. À la deux­ième absence d’An­nie, Paul tombera sur un album qui con­tient les revues de presse du passé de sa douce tor­tion­naire, il en prof­it­era aus­si pour sub­tilis­er un couteau. Ayant fait les choses dis­crète­ment, il reste per­suadé qu’An­nie ne remar­quera rien. Grave erreur, celle-ci avait placé des fils qua­si invis­i­bles un peu partout pour sur­veiller ses allées et venues et les objets qu’il aurait pu touch­er… La puni­tion ne se fera pas atten­dre et don­nera lieu à une scène plutôt gore.

Un autre bon aspect du livre est aus­si l’aspect psy­chologique des per­son­nages. Annie est très crédi­ble dans le rôle d’an­ci­enne infir­mière psy­chopathe. Quand elle n’a pas d’ab­sences, ses réac­tions sont imprévis­i­bles. Chaque fois le lecteur se pose la ques­tion suiv­ante : qu’est ce qui va bien pou­voir lui pass­er dans la tête.  C’est une sadique, et elle aime ça ! Dans les affaires de Paul, elle a trou­vé le nou­veau roman que celui-ci venait d’achev­er. L’écrit n’é­tant pas à son goût, elle som­ma l’écrivain, qui d’ailleurs n’avait pas encore réelle­ment récupéré de son acci­dent, à brûler le fruit de plusieurs années d’écriture.

Et Paul qui subit. La crainte laisse pro­gres­sive­ment place à la ter­reur. Il est rapi­de­ment accro à ses anti­douleurs. Mais qui lui délivre ses anti­douleurs ? Annie ! Il développe donc rapi­de­ment un lien fort par rap­port à sa tor­tion­naire. S’il rêve de la tuer, il se demande com­ment procéder. Il rêve de l’in­sul­ter, de lui dire tout le mal qu’il pense d’elle, mais red­oute plus que tout sa réac­tion. Il est piège non seule­ment physique­ment, mais psychiquement.

Ne vous en faites pas, tout le roman n’est pas noir. Le texte est entre­coupé des extraits du “retour de Mis­ery” assez amu­sants. Même si j’ai lu ces pas­sages assez rapi­de­ment, car je pense que le but de Stephen King était d’imiter les romans de gares — ce qui ne présente pas un grand intérêt, les extraits de Mis­ery sor­tent le lecteur des abysses du “tout va mal”.

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En somme, une lec­ture plutôt intéres­sante dès les 150 pre­mières pages passées, on se demande ce que va devenir le pau­vre Paul : va-t-il mourir dès qu’il aura apporté le mot Fin sur son tapuscrit ?

Quelques ques­tions restent en sus­pens. La machine à écrire, gra­cieuse­ment achetée par Annie perd pro­gres­sive­ment ses let­tres : d’abord le n, puis le t, puis le e. L’au­teur sem­ble insis­ter sur ce point, sans don­ner plus d’ex­pli­ca­tions, pourquoi ?

Comme Annie sem­ble avoir tout le temps un temps d’a­vance, se pour­rait-il qu’elle ait com­man­dité l’ac­ci­dent de Paul ? (ou Paul, manque cru­elle­ment de chance).

La fin du livre est légère­ment déce­vante, pas tant sur le fond que sur la forme. Il est assez récur­rent chez les auteurs d’abréger le dénoue­ment de leur réc­it, dommage.

Les +

  • sujet du roman,
  • atmo­sphère du récit,
  • côté gore,
  • aspect psy­chologique,
  • effet crescen­do.

Les -

  • lenteur du pre­mier tiers du texte
  • une fin qui laisse sur sa faim !

Extrait de Misery

Elle com­mençait à respir­er plus rapi­de­ment, frôlant l’hy­per­ven­ti­la­tion ; le rythme auquel elle ser­rait les poings s’ac­célérait, et il com­prit que dans quelques instants elle serait hors de sa portée. 
Rassem­blant le peu de courage qu’il lui restait et dans un effort dés­espéré pour adopter la note — à la fois ferme et calme — d’ir­ri­ta­tion la plus juste, il lui lança : “Et autant arrêter tout de suite ce ciné­ma. Piquer une crise n’arrangera pas les choses.”
Elle res­ta paralysée et le regar­da, blessée. 
” Il n’y a vrai­ment pas de quoi se met­tre dans cet état, Annie, reprit-il d’un ton patient.
- C’est une ruse. Vous ne voulez pas écrire mon livre, et vous inven­tez des raisons pour ne pas com­mencer. Oh, bon sang ! Je savais que vous le feriez. Mais ça ne marchera pas avec. Je-
- C’est idiot, la coupa-t-il. Est-ce que j’ai dit que je ne voulais pas commencer ? 
- Non… Non, mais-
- C’est exact. Je ne l’ai pas dit, puisque je vais le faire. Vous n’avez qu’à vous approcher ; je vais vous mon­tr­er quel est le prob­lème. Amenez-moi aus­si le Web­ster Pot.
- Le quoi ? 
- Le petit récip­i­ent avec les sty­los et les crayons. Dans les jour­naux, on les appelle par­fois ain­si. A cause de Daniel Webster. ”
C’é­tait une his­toire qu’il venait d’in­ven­ter à l’in­stant, mais ce moment d’in­spi­ra­tion eut l’ef­fet désiré ; elle parut plus per­plexe que jamais, per­due dans un monde de spé­cial­istes dont elle n’avait pas la moin­dre con­nais­sance. Cette per­plex­ité avait dis­sipé (et donc par la même occa­sion désamor­cé) encore plus sa colère ; il s’aperçut qu’elle ne savait main­tenant même plus si elle avait le droit d’être en colère. 
Elle lui appor­ta le pot de cray­on et de sty­los qu’elle posa sèche­ment sur la planche. Bon Dieu, j’ai gag­né ! Non ce n’é­tait pas cela. Mis­ery avait gagné. 
Non cela aus­si était inex­act. C’é­tait Shéhérazade qui avait gag­né. Shéhérazade.

Note globale du livre Misery

Pas le meilleur Stephen King, mais un grand classique.

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