Le choix de Victor, un roman où les destins s’entremêlent
Lors d’un passage en librairie, j’ai été séduite par la couverture du livre Le choix de Victor avec trois silhouettes de chats et le fait que l’intrigue de ce livre se déroule à Bordeaux, ville où j’ai vécu tout de même 18 ans de ma vie.
L’histoire se concentre sur Fred, un gars de 25 ans qui a une vie, jusqu’ici, plutôt banale et qui souhaite changer de métier. Il a le lendemain un entretien d’embauche qui va peut-être lui apporter un avenir plus radieux ! En effet, Fred n’a pas grand monde dans sa vie, mis à part ses deux amis musiciens, la fameuse concierge Madame Rodrigo qui organise religieusement des apéros et son chat de gouttière, Victor.
Parlons un peu du personnage de Madame Rodrigo, qui vous le verrez si vous lisez le livre tient une place centrale dans Le choix de Victor. Les mauvaises langues diront que la concierge portugaise qui tient la jambe à tous ceux qui croisent sa route, c’est vu et revu, certes, mais c’est un des points qui fait le charme de ce livre : d’une part, l’auteur la décrit de manière très pertinente et il est amusant de se l’imaginer, d’autre part, je pense que l’on connaît tous une concierge portugaise comme ça, et de ce fait, cela fera sourire à peu près tout lecteur.
Bref, revenons-en à l’ouvrage.
Dans Le choix de Victor, l’auteur nous fait le récit des possibles destinées qui attendent Fred, selon les choix qu’il va faire (ou qu’on va lui imposer). De la plus banale, à la plus “tirée par les cheveux” chaque histoire tient la route et demeure percutante. L’auteur introduit des éléments du fantastique qui pimentent le récit sans nuire à sa crédibilité.
Je ne vais pas vous parler de la suite de l’ouvrage, car cela reviendrait à vous gâcher la surprise d’une lecture que je vous conseille vivement. La plume de Guy Rechenmann oscille entre l’humour et des références recherchées, dans un style assez fluide on se laisse transporter dans ce petit roman qui ne paye pas de mine, mais qui est un petit chef-d’œuvre. C’est typiquement le genre d’ouvrage dont je me souviendrai dans quelques années et qui ne sera pas noyé sous le flot de lecture “oui c’était pas mal, mais je ne sais plus trop de quoi ça parlait”. Comme quoi, cela prouve encore une fois que les petites maisons d’édition indépendantes publient parfois de petits trésors. (Je n’avais jamais eu vent auparavant des éditions Vents salés).
Les +
- un roman riche en rebondissements une plume recherchée, sans pour autant être indigeste un livre assez humoristique, en somme
Les –
- Eh bien vous allez rire, aucun !
Extrait du livre “Le choix de Victor”
19h. Fred ouvre la porte à Hubert de Vignal. L’homme au gant rose et au gant bleu est à l’heure, l’inverse l’aurait étonné. Cette fois il n’a pas dû passer par la loge, Madame Rodrigo l’aurait prévenu. Le regard du représentant à la barbe impeccable le transperce. Fred est soudain pris d’une bouffée de chaleur en tendant à la main gantée de rose le dossier contenant le document dûment rempli et signé que le personnage est venu récupérer. Il a pourtant pris son temps pour lire et relire la douzaine de feuillets noircis de lettres tapuscrites dans une police confortable, pourvu qu’il n’ait aucun regret… mais il n’est plus sûr de rien ; il espère avoir coché la bonne case parmi les quatre proposées, la première, la deuxième, la troisième ou la quatrième ? L’individu n’entre pas, il reste sur le seuil, son sourire figé fait ressortir une fossette sur la joue gauche. Victor, le chat, en position de défense sur la petite table en pin, sous la lampe, fixe le bonhomme dans l’encadrement de la porte. Fred transpire, tout s’embrouille dans sa tête. Il ne fait pourtant pas chaud dans le studio en bordure de Garonne, en lisière d’un quartier négligé, mal éclairé, aux murs sales et aux pavés mal jointés, celui des Chartrons. Ici les huisseries sont en accord avec la demeure ; d’un autre temps. À intervalles réguliers, Victor émet d’étranges sons, indescriptibles, entre le râle et le feulement, mêlés de ronronnements. Dehors, la noirceur du soir se mélange à la mini-tempête de la fin d’après- midi qui peine à se calmer. Le volet gauche à persiennes tape alors violemment contre la façade sud-est du vieil immeuble, signature du XVIIIème. Le volet droit, lui, est bloqué depuis des lustres frustrant l’espace de vie de lumière naturelle. Alerté par le choc du bois contre la pierre dorée, Fred fait un demi-tour : il était certain d’avoir coincé le battant récalcitrant. Quand il se retourne vers son vis‑à-vis, celui-ci a disparu, parti, envolé… comme par magie. Seules flottent les effluves d’un parfum aux senteurs bizarres.
Fred se demande pourquoi de la sueur inonde son front et pourquoi la porte est ouverte, il a déjà oublié son visiteur et le but de la visite ; un document à récupérer avec la case choisie…
Note globale du livre Le choix de Victor
Un roman sans prétention, à lire de toute urgence.