Pologne, Varsovie, XXIIe siècle. Vous voici dans votre appartement dans l’attente d’un nouveau contrat à exécuter. Vous êtes un Gamedec, une sorte de détective privé habilité à enquêter dans les mondes virtuels. Vous regardez tristement par la fenêtre. Le monde dans lequel vous évoluez est si empreint de technologie qu’il est difficile de savoir ce qui est vrai et ce qui ne l’est pas. Tout individu, quelle que soit sa classe sociale, passe la majeure partie de son temps dans les univers virtuels cachés derrière des skins pour assouvir ses fantasmes, commettre des crimes ou au contraire espérer aspirer à une vie meilleure. Vous soupirez et vous servez un whisky, un message apparaît sur l’écran : on vous appelle pour votre première enquête.
Une brève et franche discussion vaut mieux qu’une bonne baston
Férus de combats ensanglantés, passez votre chemin, Gamedec est un jeu d’enquêtes isométrique cyberpunk en solo où les différends se règlent par la discussion et non pas par les poings – sauf dans les réalités virtuelles avec une arme virtuelle… Il n’y a d’ailleurs aucun système de combat. Pour avancer dans vos pérégrinations, entre les mondes virtuels et leurs habitants, les seules armes dont vous disposez sont votre esprit de déduction et quelques lignes de dialogues supplémentaires déblocables grâce à des “professions”, des compétences qu’il est possible d’acquérir en utilisant les points de personnalités gagnés selon les répliques choisies…
Les professions au nombre de 16 débloquent des options de dialogues sociaux, informatiques, médicaux, sans toutefois avoir un grand impact sur la suite.
Si l’absence d’affrontements n’est en soi pas un mauvais choix et n’est pas sans rappeler Disco Elysium, la faiblesse de la traduction française limite en revanche la qualité de l’expérience de jeu. Même après avoir installé le dernier patch, la narration s’articule mal et certaines phrases restent incompréhensibles ce qui freine la fluidité de l’aventure. Qui plus est, l’enchaînement des répliques ne reflète pas toujours les choix faits par le joueur. Dommage pour un jeu où le récit est censé être léché à la virgule près.
Qui a dit que c’était grave de se tromper ?
Après avoir récolté des indices et le récit des témoins, vous pourrez faire des déductions pour avancer dans l’histoire.
S’il y a bien un aspect agréable de Gamedec et qu’il convient de souligner, c’est l’absence de punition. Si durant une enquête, le joueur fait une mauvaise déduction – ce qui arrive souvent si vous n’avez pas débloqué la bonne profession ou si deux témoins vous livrent des versions contradictoires –, il peut continuer l’aventure en devant toutefois assumer la conséquence de ses actes. Cela signifie que si vous avez envie de foirer votre enquête pour explorer un autre embranchement du jeu, faites-vous plaisir ! Aussi, il y a des chances qu’à un moment ou à un autre, vous vous retrouviez bloqué par manque d’indice ou parce que toutes les options de dialogue sont épuisées ce qui oblige à choisir une déduction par défaut…
En revanche, il n’y a aucune obligation à respecter l’ordre dans lequel vous interrogez les témoins, même si certains refuseront de vous parler plus tard. Après l’heure, c’est plus l’heure ! D’ailleurs, durant les discussions avec les personnages clés, une barre de confiance s’affiche et évolue en fonction des répliques sélectionnées. Libre à vous de la remplir pour dénicher de nouveaux indices, ou de la vider ce qui vous permettra aussi d’avancer dans votre périple, mais peut-être pas dans la direction que vous souhaitiez prendre…
Une fois ouverts, les cadenas de la jauge de relation peuvent débloquer des indices.
Un jeu d’enquêtes, oui, mais un RPG ?
Vous l’aurez compris, dans Gamedec vos possibilités en tant que joueur n’ont pas de quoi casser trois pattes à un canard. Interroger des témoins, récolter des indices, faire des déductions, quelques énigmes à résoudre, voilà ce qui vous attend et c’est largement suffisant pour passer un bon moment. Mais où diable est le côté RPG ? À la création du personnage, vous avez la possibilité de choisir l’apparence de votre avatar, son nom, son sexe, sa classe sociale et la répartition des points de personnalité… des points que vous gagnerez de toute manière durant votre progression !
Les jeux de rôle sont généralement plus généreux en matière de création de personnage.…
Concernant le système de déduction, avouons-le, il est plutôt ingénieux et laisse le choix de sélectionner une conclusion différente de celle dictée par les indices, mais en y regardant de plus près, il ne s’agit en réalité que d’un semblant de liberté puisque le jeu vous remettra rapidement sur les rails ! Enfin selon vos actions durant la partie, vous débloquerez une fin différente, mais ça n’empêche qu’il en faut un peu plus pour se targuer d’être un RPG. En bref, Gamedec un RPG ? Certainement pas, plutôt une aventure narrative bien menée…
Des beaux clins d’œil à d’autres genres vidéoludiques
Les mondes virtuels sont composés de différents tableaux inspirés d’univers de toutes les sortes.
Les puristes à la recherche d’un jeu 100 % cyberpunk seront certainement déçus, mais si Gamedec est critiquable, sur bien d’aspects, il serait injuste de nier l’originalité de son concept. Certes dans le monde “réel”, vous aurez droit à un éventail de clichés sur pattes comme un patron d’une grande corporation véreux et pervers ou des drones de publicité tentant timidement d’animer les alentours d’un bar peu fréquentables, mais dans les mondes virtuels le joueur aura le plaisir de découvrir des univers très largement inspirés et de belles parodies. Un environnement à la Farmville avec des airs de western, un MMORPG médiéval japonisant et ses quêtes de farm, un remake de Second Life, toutes ces escapades dans le virtualum restent une agréable découverte et l’un des points positifs de Gamedec. On remarquera d’ailleurs le petit délire des développeurs sur les chats – il y en a un dans chaque monde virtuel. Néanmoins, il est regrettable que la conception de ces mondes n’ait pas été poussée plus loin, ce qui donne à Gamedec un amer goût de jeu inachevé.
Comptez moins d’une dizaine d’heures pour terminer haut la main votre aventure, une durée de vie honorable, mais hélas bien légère pour espérer s’imprégner d’un univers cyberpunk qui pourtant semblait prometteur, du moins sur le papier…
Bienvenue à Harwest Time pour planter des citrouilles et des fraises !