Neverwinter Nights n’est pas un titre né de la dernière pluie, loin de là. Sorti en 2002, développé par BioWare à qui l’on doit, entre autres, les très prisés Baldur’s Gate et Star Wars Knight of the Old Republic, le titre se présente comme une sorte de Baldur’s Gate, mais en 3D grâce au moteur Aurora Engine qui outre le fait d’être fourni avec un éditeur de niveau, permet de modifier les scripts permettant de ce fait la création de modules complexes.
Il faut l’avouer, si c’est une bonne nouvelle pour certains, il est légitime de se demander si toutes ces gourmandises ne nuisent pas à la qualité de la campagne solo. Bref, Neverwinter Nights s’inscrit dans un contexte où seul près d’un tiers des Français avaient une connexion internet, où face à la demande croissante le jeu de rôle PC cherche à se renouveler et où les prémices des MMORPG commencent timidement à s’installer – World of Warcraft n’étant sorti qu’en 2004. Mais que peut-on attendre d’un jeu de niche paru à une époque où la volonté des développeurs était de démocratiser les RPG ? La réponse dans ce test de Culture Underground.
Une liberté presque absolue pour la création du personnage
Neverwinter Nights est plutôt généreux sur le choix de la classe.
Comme dans tout RPG digne de ce nom, l’aventure de Neverwinter Nights débute par la création du personnage et de ce côté-là, le joueur est plutôt bien servi. Outre le choix assez généreux des races – on retrouve les incontournables du légendaire de Tolkien et même plus encore –, le choix des classes dépasse les espérances les plus folles.
Les puristes pourront créer un guerrier, un barbare, un rôdeur, un ensorceleur, un magicien, un moine, un barde, un druide, un barde, un roublard et ceux qui aiment la fantaisie pourront expérimenter les sous-classes sur lequel Neverwinter Nights ne lésine pas – dire le contraire serait mentir : Assassin, Chevalier noir, Maître d’arme, Maître blême, etc. sans oublier les multiclasses. Si vous avez la flemme ou que le système vous paraît trop compliqué, vous pouvez toujours utiliser le bouton “Recommandé”. À noter que l’accès à certaines classes est soumis à l’alignement qu’il convient de choisir judicieusement. Vous avez le choix entre les traditionnels loyal/neutre/mauvais et /bon/neutre/chaotique ce qui offre pas moins de 9 possibilités.
Une campagne principale plutôt linéaire
Bienvenue à Padhiver (ou Neverwinter), une cité ravagée par la mort hurlante, une espèce de maladie auquel les autorités tentent désespérément de trouver un remède. Chaque quartier se vide peu à peu avec, compte tenu des circonstances, l’émergence de rébellions, de zones de non-droit gangrénées par la pègre et tout ce qui en découle faisant planer plus qu’un vent de mal-être sur Padhiver. Seul le quartier des aristocrates (les riches ne connaissent pas la crise) le vit plutôt bien et les habitants ont pour habitude de se divertir dans un sinistre zoo. Votre mission : récupérer les composants du remède qui sont en fait des “bouts” de créatures d’Eauprofonde et les ramener comme un bon toutou à Dame Aribeth.
D’accord, d’accord, je vais ramener vos machins, mais j’espère que c’est bien payé…
Pour cela, il vous faudra explorer les 4 zones de Padhiver : le nid des mendiants, le quartier de la Péninsule, Lacnoir et les Docks en suivant toujours le schéma suivant : zigouiller tout le monde + occire un mini boss pour récupérer l’ingrédient. Un peu linéraire, n’est-ce pas ? Mais qu’importe, peut-être que les quêtes secondaires sont plus palpitantes et ça tombe bien, j’ai mis plein de points d’xp dans les capacités sociales ! Eh bien non, il en est de même pour les quêtes secondaires qui ne cassent pas trois pattes à un canard. Démanteler un culte secret ? Super, on va buter tout le monde ! Retrouver un frère disparu ? Oups, il est mort, bon ben on va quand même ramener son bâton et son bouquin à son aîné pour grappiller un peu d’or pour se stuff. Bref, vos capacités sociales servent à que dalle, si ce n’est pour gratter des thunes. Et ne comptez pas sur la suite des aventures pour être plus palpitantes, Neverwinter Nights est plat, du début jusqu’à la fin. On est loin d’être sur un Atom RPG dont l’intérêt devient véritablement palpable au bout de quelques heures.
Généralement dans un RPG, lorsqu’on retrouve un PNJ dont le nom est inspiré d’un personnage emblématique de la mythologie, c’est que cela annonce une quête palpitante. Spoil : ce n’est pas le cas dans Neverwinter Nights.
Neverwinter Nights : de la baston, encore de la baston !
Dans Neverwinter Nights, des combats, vous allez en faire et ce même, si vous aimez vous la jouer diplomate. En effet, contrairement à un Baldur’s Gate où vous pouvez vous dépêtrer d’une situation en faisant preuve d’un peu de finesse, ici dans la plupart des cas, le dénouement dépend de votre capacité à manière l’épée ou des sorts qui se trouvent dans votre très cher livre de magicien. Bien évidemment, vous pouvez user de petites potions magiques pour faire pencher un combat en votre faveur, appeler à la rescousse votre familier si votre classe le permet (un chien démoniaque, une panthère, un diablotin, une fée, vous avez l’embarras du choix) ou invoquer une créature.
Neverwinter Nights offre un large choix de familiers si toutefois votre classe s’y prête.
Neverwinter Nights étant vendu comme un RPG avec « les règles officielles de Donjons et dragons » où le joueur est invité à « développer les dialogues des personnages non joueurs pour vivre une expérience unique et personnelle » on s’attend à, outre à la liberté de la création du personnage, de la narration avec une profondeur sur laquelle les choix ont une quelconque importance. Eh bien désolée, c’est loupé. Certes vous pouvez persuader le concierge d’un cimetière de vous donner la clef d’un mausolée, mais si ça loupe, un coup d’épée sur la tête et c’est réglé. On aura vu plus profond comme choix ne serait-ce que dans Planescape Torment, Tides of Numenera, ou même Icewind Dale. À croire que les développeurs ont mis l’accent sur le mode multijoueur, la possibilité de moder Neverwinter Nights, même pour un néophyte ou sur je-ne-sais-quoi‑d’autre. OK, pourquoi pas, mais quand j’achète un jeu vendu avec une campagne solo, c’est quand même la qualité de cette dernière que je juge. Bref, si vous voulez un titre qui prône la baston et que le rôle play vous importe peu pourquoi pas.
“Salut, tu veux venir avec moi ?” / “Ouais ça fera 150 po.”
Aussi, Neverwinter Nights offre la possibilité de s’adjoindre les services d’un compagnon. Toutefois, ne nous attendez pas à partager des discussions transcendantes avec eux, cela n’arrivera pas. Si dans Baldur’s Gate les compagnons avaient chacun un background assez poussé, qu’il leur arrivait de faire part de leurs opinions sur vos décisions ou encore la marche à suivre pour progresser, que si vos hormones vous travaillaient, une romance étant même envisageable, ici, il n’en est rien. Déjà, pas besoin de se creuser la tête pour en recruter un, sortez votre bourse dans une taverne, et vous aurez de la compagnie. À noter qu’il n’est possible que de recruter un compagnon à la fois, le but étant de pallier les faiblesses de votre personnage. Enfin, en théorie.
Gare aux grosses fesses de votre compagnon
Mais pousse-toi donc, tu vois pas que je vais crever !!!
S’il y a une chose énervante au possible dans Neverwinter Nights, c’est bien le body block de votre compagnon. Il suffit de vous faire prendre en tenaille par les ennemis, pour être coincé et subir leur courroux sans avoir d’échappatoire. Alors oui, je suis d’accord, le placement est primordial lors des phases de combats. Mais parfois, lorsqu’on est pris au dépourvu et qu’une horde d’ennemis s’abat sur nous, il est presque impossible de se placer comme il faut. Et pour sortir de cette situation, impossible puisque le séant imposant de notre compagnon barre la route ! Cela, ajouté au fait que le personnage se bloque régulièrement dans le décor et qu’en matière de maniabilité et de jouabilité on aura vu mieux, fait de Neverwinter Nights un opuscule plutôt passable.
La mort n’est pas définitive dans Neverwinter Nights
Voilà ce qui arrive quand on ne regarde pas où on met ses pieds !
Dans Neverwinter Nights, la mort est plutôt courante et s’il est toujours possible de charger une ancienne sauvegarde et reprendre l’aventure, vous avez aussi l’alternative de ressusciter moyennant 50 XP et 10 % de votre or (en mode facile) ou encore d’anticiper le décès en vous téléportant dans un lieu sûr grâce la pierre de rappel.
Si dans certains titres à l’instar de Tides of Numenera, mourir apporte du contenu supplémentaire et se révèle être un passage obligé pour le lore du jeu, ici il s’agit d’une simple facilité dont on a vite tendance à abuser. Vous êtes alors rapatrié au temple de Heaume le plus proche où il vous est possible de faire le plein de potions tout en retrouvant votre compagnon fraîchement revenu de l’au-delà, puis pourrez être à nouveau téléporté à l’endroit de votre décès. Néanmoins, chaque fois, vous aurez droit à une leçon de morale infantilisante du prêtre présent sur place qui vous mettra 100 % en garde sur le fait qu’il vaut peut-être mieux vous entraîner un peu mieux ou vous équiper avant de repartir au front.
Quand une phrase commence par “J’ai quelque chose à vous dire” cela ne présage jamais rien de bon…
Cela nous amène à la dernière faiblesse de Neverwinter Nights : la nécessité constante de repos pour régénérer le cooldown de vos capacités spéciales. Si dans la plupart des RPG, rien n’est gratuit et qu’il est vivement conseillé de balancer ses sorts avec parcimonie, ici nous sommes dans un titre plutôt orienté combat et de ce fait, il aurait été appréciable de pouvoir enchaîner quelques combats sans se reposer toutes les deux secondes. Bien évidemment, vous avez toujours la solution d’expédier votre compagnon et vos invocations pour nettoyer la zone, mais reste à savoir comment occuper intelligemment son cerveau durant ce laps de temps, si ce n’est observer religieusement la scène…
Se reposer prend quand même quelques secondes pendant lesquelles vous avez vite fait d’avoir envie de faire une sieste…
En bref, un titre prometteur sur le papier, mais extrêmement décevant. Si à l’époque, profiter d’un jeu de rôle en 3D était peut-être assimilable à une mini-révolution, cela demeure largement insuffisant pour faire de Neverwinter Nights, un RPG méritant le détour. La campagne solo est linéaire au possible, l’univers est loin d’être transcendant, et les dialogues outre leur côté niais manquent d’embranchements. Si l’on aime les combats, autant se tourner vers un Icewind Dale, un Titan Quest ou même un Diablo, au moins on en aura pour son argent.