Stygian: Reign of the Old Ones

Stygian : Reign of the Old Ones : notre test

Dernière mise à jour:
Stygian: Reign of the Old Ones
Date de sortie
26 sep­tem­bre 2019
Développeur
Cul­tic Games
Édi­teur
1C Enter­tain­ment, 1C Company
Plates-formes
Microsoft Win­dows, Mac OS
Caté­gories
Jeu de rôle, RPG
Notre score
4

Love­craft est une source inépuis­able d’in­spi­ra­tion dans le ciné­ma, la lit­téra­ture et même les jeux vidéo. Et aujour­d’hui, ce n’est pas men­tir de dire que c’est un peu la mode de déclin­er à toutes les sauces le mythe de Cthul­hu et plus générale­ment le bes­ti­aire love­craftien ain­si que ces décors empreints d’une noirceur dérangeante. S’il y a du bon dans tout ça, la love­craft­ma­nia fait naître aus­si de beaux navets, et ce, quel que soit le sup­port. À en croire les com­men­taires, Sty­gian : Reign of the Old Ones ferait par­tie de ces men­tions déshon­o­rantes. Pour­tant, un jeu de rôle se déroulant dans les années 1920 dans un Arkham coincé dans une dimen­sion par­al­lèle, c’est promet­teur ! Mais les retours sont plutôt mit­igés pour ce jeu indépen­dant financé sur Kick­starter en 2016 et dévelop­pé par un stu­dio turc, j’ai voulu véri­fi­er pourquoi.

Une grande liberté quant à la création du personnage

Avant de plonger dans les méan­dres des inspi­ra­tions du genre love­craftien de Sty­gian : Reign of the Old Ones, il faut pass­er par la sem­piter­nelle étape de créa­tion du per­son­nage. Par­mi les pos­si­bil­ités qui s’offrent à vous, le choix du sexe, l’âge, qui vous per­met d’obtenir des points sup­plé­men­taires d’attributs et de com­pé­tences, l’archétype, cor­re­spon­dant dans les grandes lignes au back­ground et le sys­tème de croy­ances qui déter­mine com­ment vous pour­rez au long de l’aventure regag­n­er de la san­té men­tale.

Réfléchissez bien à ce point-là, dans Sty­gian : Reign of the Old Ones, la san­té men­tale est presque plus impor­tante que la san­té physique. Puis, reste à déter­min­er les attrib­uts : physique, agilité, esprit, volon­té, etc. – que vous ne pour­rez pas aug­menter durant la par­tie, décidé­ment, c’est la mode – et les com­pé­tences : armes à feu, sor­cel­lerie, enquête, etc.

Si Sty­gian : Reign of the Old Ones est réputé être un jeu dif­fi­cile, votre per­son­nage sera tout le long de l’aventure en bonne com­pag­nie (2 com­pagnons + un PNJ selon les quêtes). Ain­si, avec un peu de jugeote, en équili­brant les dif­férentes feuilles de ses amis, la prise en main de l’aven­ture reste tout à fait abor­d­able. Et si la créa­tion du per­son­nage n’est pas votre fort, vous pou­vez tou­jours piocher dans les arché­types pré­conçus.

Un RPG déroutant sur les traces de Lovecraft

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Oh, mais il faut tout noir ici…

L’en­trée en matière est des plus éton­nante. Notre per­son­nage se réveille en pleine nuit dans ce qui sem­ble être une cham­bre de for­tune, amé­nagée dans un gre­nier, les paupières encore engour­dies par le som­meil. Il fait som­bre et seule la lueur d’une petite lanterne posée dans un coin brise ce cli­mat peu engageant. Tiens, il sem­ble que nous ne sommes pas seuls… À l’autre extrémité de la pièce se tient un per­son­nage pour le moins intri­g­ant. Un homme, vêtu de vio­let, sem­ble nous observ­er avec insis­tance, puis tourne les talons et dis­paraît dans la pénom­bre. Que faire ? Le suiv­re. Effec­tive­ment, c’est non sans mal que nous lev­ons du mate­las som­maire qui nous sert de couchage, sai­sis­sons la lanterne qui nous sera fort utile dans l’avenir et nous lançons à la pour­suite de l’étranger.

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Drôle de manière de danser…

C’est en robe de cham­bre que débute le périple à tra­vers les rues d’Arkham. Les bâti­ments sont décrépis, les habi­tants s’adon­nent à une valse macabre puis sont en proie à une mys­térieuse folie qui les pousse à … s’en­tretuer. Bref, le ton est don­né. Dans Sty­gian : Reign of the Old Ones règne une ambiance haute­ment anx­iogène. La bonne nou­velle, c’est que cette pre­mière excur­sion n’est qu’un rêve. La mau­vaise est que la réal­ité est bien pire. Une fois réveil­lé, cette fois pour de bon, l’homme lugubre nous invite à le rejoin­dre. Voici une quête pour le moins orig­i­nale ! Com­ment dia­ble retrou­ver un indi­vidu qui sem­ble relever d’un songe mau­dit ? Surtout qu’à Arkham, depuis le Jour Noir, tout n’est que déso­la­tion. La ville est déchirée d’une part par les exac­tions du Culte et de l’autre par la mafia. Les ressources indis­pens­ables se mon­naient con­tre des “clopes” et autant le dire, les temps sont durs !

Cool, une stat­uette Cthul­hu, la suite de l’his­toire paraît alléchante.

Stygian : Reign of the Old Ones : un jeu délicieusement verbeux

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Les descrip­tions nar­ra­tives sont dans le ton.

Main­tenant que l’am­biance est posée, par­lons de ce qui fait la pro­fondeur de ce titre qui pour­tant ne paye pas de mine : la nar­ra­tion. Con­traire­ment à cer­tains très bons RPG des années 2000 où les PNJ ren­con­trés peu­vent man­quer cru­elle­ment de per­son­nal­ité, dans Sty­gian : Reign of the Old Ones c’est tout le con­traire. Chaque dia­logue per­met d’en savoir davan­tage sur les mythes et légen­des love­craftiens, d’é­couter de pal­pi­tantes anec­dotes d’a­vant le fameux Jour Noir, sans oubli­er les com­pagnons avec lesquels il est pos­si­ble de tiss­er un sem­blant de romance (Oui oui, comme dans Bal­dur’s Gate).

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Mon pre­mier ren­card avec un com­pagnon (l’É­tranger).

En fait, la nar­ra­tion est si prenante qu’à aucun moment on n’est ten­té de cli­quer au hasard pour met­tre fin au dia­logue, et surtout, il vaut mieux éviter, une mau­vaise réplique pou­vant avoir des con­séquences désas­treuses – par exem­ple la mort…

Men­tion spé­ciale égale­ment aux dif­férents car­nets, jour­naux de notes, plans, affich­es dont le joueur se détecte non sans gour­man­dise. L’u­nivers de Sty­gian : Reign of the Old Ones est résol­u­ment réal­iste et chaque petit détail de ce type lui donne une pro­fondeur bien envi­able. Néan­moins, la ver­sion française sem­ble com­porter quelques bugs : code source s’af­fichant à la place d’une réplique, coquilles, mots non traduits.

… et transcendant d’imagination

Autre aspect déroutant de Sty­gian : Reign of the Old Ones : la richesse des dif­férents tableaux. Dans la plu­part des jeux que j’ai pu tester aupar­a­vant, les décors étaient par­fois sans grande finesse. Or, sans être trop tatil­lonne sur les graphismes, l’am­biance graphique y est pour beau­coup ques­tion immer­sion. Vu l’u­nivers et l’in­spi­ra­tion, on attend de Sty­gian : Reign of the Old Ones beau­coup de noirceur. Et ne vous en faites pas, de côté-là, on en a pour son argent. Mais la bonne sur­prise, c’est qu’en­tre deux tableaux baignés de sang, de créa­tures sur­na­turelles, de mafieux avec de gros flingues et autres gen­tle­man, appa­rais­sent sub­rep­tice­ment des petites scènes reposantes, très col­orées mais qui sus­ci­tent une sorte de malaise tel un néant onirique.

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Un peu per­ché, n’est-ce pas ?

Aus­si, l’aven­ture est ponc­tuée de petites ciné­ma­tiques qui vien­nent appro­fondir un embranche­ment de l’his­toire ou tout sim­ple­ment illus­tr­er une quête. Comme elles s’in­scrivent dans la con­ti­nu­ité de l’ac­tion, elle ne pal­lie pas la dynamique du périple dans Arkham, au con­traire elles lui don­nent beau­coup plus de corps. Ain­si les dif­férents meurtres, fan­taisies du culte et même cer­tains événe­ments aléa­toires sont com­plétés avec ces cour­tes ani­ma­tions qui, bien que par­fois dis­pens­ables dans l’his­toire prin­ci­pale, savent con­tenter les joueurs avides de quelques bonus.

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Le fanatisme tue…

L’important n’est pas de gagner, mais de survivre

Para­doxale­ment, dans Sty­gian : Reign of the Old Ones la dif­fi­culté ne réside pas vrai­ment dans les com­bats. Certes, l’af­fron­te­ment au tour par tour de cer­taines créa­tures est plutôt ardu et il vous fau­dra de préférence un bon per­son­nage mêlée dans l’équipe et au moins un occultiste – les sorts étant rel­a­tive­ment badass. Mais, finale­ment comme on le décou­vre assez rapi­de­ment, au bout de quelques échanges de tir, dans Sty­gian, pas besoin de tuer tous les enne­mis pour que le com­bat soit con­sid­éré comme gag­né. Il suf­fit d’u­tilis­er les lieux d’é­vac­u­a­tion (une zone de fuite), une fois qu’ils sont disponibles. Et à vous l’XP et le loot. Donc, sauf lors de quelques boss où il fau­dra faire chauf­fer les méninges pour con­cevoir une stratégie, de ce côté-là c’est plutôt facile.

Stygian: Reign of the Old Ones

Le prob­lème avec ces créa­tures c’est qu’on ne sait pas trop où est la tête...

Ce qui l’est moins, c’est la ges­tion de votre per­son­nage hors com­bat. En effet, out­re la san­té physique, il vous faut égale­ment gér­er la san­té men­tale sous peine de som­br­er dans la folie (et le game over). À not­er aus­si qu’une san­té men­tale au plus bas génère de l’an­goisse, qui donne lieu à une sorte de mon­tée de niveau par­al­lèle où il faut choisir des com­pé­tences qui octroient des malus. La san­té men­tale est mise à mal prin­ci­pale­ment par les visions d’hor­reur : la vue d’un cadavre, d’une céré­monie héré­tique, de phénomènes bizarres, bref tout ce qui est inhabituel. 

Aus­si, lors des déplace­ments entre les zones, des événe­ments aléa­toires et peu catholiques con­tribuent à cette perte de san­té men­tale tant pré­cieuse et qu’il faut savoir main­tenir à niveau cor­rect. Pour ce faire, impos­si­ble d’échap­per à l’usage de drogues ou d’al­cool qui soit dit en pas­sant coû­tent une blinde en clopes (mon­naie local du jeu). Or, la con­som­ma­tion de telles sub­stances créée des addic­tions. Et les addic­tions entraî­nent un manque que le phar­ma­cien peut vous soign­er moyen­nant une con­trepar­tie un peu humiliante…

Stygian: Reign of the Old Ones

Allez, une p’tite pho­to M’dame, et on voit après pour votre petit prob­lème de cocaïne…

Autre point impor­tant, la faim et la fatigue. Si la pre­mière est régulée par l’achat d’ap­pétis­santes boîtes de con­serve, la sec­onde peut être endiguée par un dodo dans le gre­nier miteux d’un bar ou par une agréable ses­sion camp­ing au coin d’un feu. Lors des phas­es de repos, les com­pagnons peu­vent utilis­er dif­férents tal­ents pour amélior­er la san­té physique ou men­tale d’un con­génère, déchiffr­er des sorts, décou­vrir des plans pour l’ar­ti­sanat, d’où l’im­por­tance d’avoir au moins un per­son­nage maîtrisant la médecine his­toire de pas avoir à se droguer toutes les deux sec­on­des et faire des rêves assez déroutants. Néan­moins, notez que le camp­ing n’est pos­si­ble qu’à de rares endroits du monde de Sty­gian : Reign of the Old Ones, mieux vaut donc user de quelques petits procédés récréat­ifs pour pal­li­er les caprices de vos personnages.

Stygian : Reign of the Old Ones : une fin qui fâche

Si ce petit tour d’hori­zon per­met de se faire une idée quant aux mul­ti­ples péripéties et expéri­ences fasci­nantes présentes dans Sty­gian : Reign of the Old Ones, il faut tout de même men­tion­ner le gros défaut du jeu et qui lui fait per­dre la 6e pépite qu’il méri­tait pour­tant. En toute hon­nêteté, cet opus­cule n’a qua­si­ment aucun temps mort et l’aven­ture évolue crescen­do au rythme des dif­férentes décou­vertes toutes les plus éton­nantes les unes que les autres.

Stygian: Reign of the Old Ones

À mon sens l’une de plus belles scènes du jeu.

Arrivé au parox­ysme de la nar­ra­tion, sur fond de rebondisse­ments et de mini-tableau tran­scen­dants, le joueur est excité à l’idée de décou­vrir encore les mys­tères de ce monde, mais… voilà qu’ar­rive l’écran des crédits. Incré­d­ule, on pense à un bug, ou encore à une mau­vaise réplique sélec­tion­née dans le feu de l’ac­tion. On recharge alors une anci­enne sauve­g­arde. Mais non, rien ! On con­sulte alors son jour­nal de quêtes. Tiens, tiens, cette quête-là, n’est pas ter­minée, celle-là non plus, la trame prin­ci­pale quant à elle est nég­ligem­ment résumée dans la ciné­ma­tique. Et tout cela n’in­combe pas au joueur, puisque tech­nique­ment, il est impos­si­ble de les com­pléter avant… Ne man­querait-il pas du con­tenu ? En fait, c’est un peu comme acheter une trilo­gie de livres et une fois arrivé à la fin du tome I se ren­dre compte que les vol­umes II et III sont résumés sur deux pages tirées de la Wikipé­dia. Claire­ment, je ne sais pas quel est le délire, mais Sty­gian : Reign of the Old Ones est un jeu inachevé. Voilà donc ce qui explique la faran­dole de com­men­taires des joueurs français mécon­tents et ils ont une bonne rai­son de l’être…

Stygian: Reign of the Old Ones
Sty­gian : Reign of the Old Ones : Notre avis
Pour con­clure :
Sty­gian : Reign of the Old Ones est ven­du comme un jeu com­plet mais finale­ment ressem­ble plus à un titre qui se prête à au moins un chapitre sup­plé­men­taire. Tant qu’aucun pro­jet de ce type n’est en vue, il est mal­heureuse­ment impos­si­ble d’être pleine­ment sat­is­fait de son expéri­ence vidéoludique. Toute­fois, ayant expéri­men­té bon nom­bre de RPG, je tiens à soulign­er qu’il y a un réel effort de pro­pos­er une aven­ture orig­i­nale et résol­u­ment per­chée. Sincère­ment, je con­seille à tout féru de RPG ver­beux de jouer à Sty­gian : Reign of the Old Ones, de ten­ter l’expérience parce qu’il y a énor­mé­ment à en tirer.
Les +
Le sys­tème de croy­ances qui influe sur la san­té men­tale et qui oblige para­doxale­ment à une cer­taine rigueur de l’esprit.
La pos­si­bil­ité d’entamer une romance avec un com­pagnon (testé avec un per­son­nage féminin).
Des embranche­ments de quête généreux (celles ter­minées…) et la pos­si­bil­ité d’user de ses tal­ents oratoires.
Une direc­tion artis­tique claire­ment inspirée tant à tra­vers les graphismes type comics qu’à tra­vers la bande-son qui représente la diver­sité des dif­férents tableaux.
Des énigmes, bien que pas trop dif­fi­ciles assez orig­i­nales et plaisantes à résoudre.
La sor­cel­lerie est plutôt amu­sante à manier et assez OP.
Le bes­ti­aire what the fuck, totale­ment per­ché (je pense à la créa­ture au zizi rose dans une mai­son qui cherche son fils)
L’univers des rêves plutôt bien exploité, tran­scen­dant et à l’imaginaire débordant.
Les -
Quelques bugs qui mérit­eraient quand même un petit patch.
Pas mal d’éléments orig­in­aux implan­tés, et qui auraient pu faire l’objet d’une quête, mais pas exploités.
Le rush de la fin ne laisse aucune pos­si­bil­ité d’acheter des pro­vi­sions, si vous n’avez pas fait le plein, reste plus qu’à charg­er une vieille sauvegarde.
La quête prin­ci­pale reste en sus­pend (déchiffrage du poème) et lorsque l’émotion et l’immersion dans le jeu atteint son parox­ysme, l’expérience prend bru­tale­ment fin.
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