Visage, le huis clos de l’horreur déjà culte
En quelques minutes d’introduction, le ton nous est donné. Visage est un jeu survival horror qui ne nous épargnera rien. Après une première séquence cinématique déstabilisante au possible, c’est avec un plaisir presque masochiste que nous commençons à explorer une demeure totalement désolée. Nous sentons intimement que quelque chose ne tourne pas rond ici, et il faudra se risquer un peu plus loin dans les entrailles de la bête pour mettre à jour les histoires sordides des familles passées par ici avant vous dans un huis clos sensationnel.
Un huis clos effroyable dans une vieille maison des années 1980.
Qui contrôlons-nous ? Où sommes-nous ? Qu’importe, dans Visage bien peu de place à ce genre de détails et déjà, nous partons découvrir un environnement peu hospitalier. En fouillant un peu, nous tombons rapidement sur certains objets clés permettant de débuter l’un des deux gros chapitres disponibles dans Visage actuellement, à savoir “Lucy” et “Dolorès”. C’est principalement sur ce dernier que nous allons nous focaliser sur ce test, car il est important de les distinguer en raison de la disparité de leurs gameplays. Une fois un chapitre démarré, le jeu nous prévient gentiment qu’il sera impossible de revenir en arrière, comme pour nous rappeler qu’il ne sera plus possible fuir avant d’avoir accompli notre devoir. Profitez bien de cet élan de bonté de la part des développeurs, car pour la suite, pas de carte, pas d’inventaire de quête, seuls des indices minimalistes viendront guider vos pas.
Les premiers pas dans l’aventure sont vraiment marquants. Tout est fait pour que rien ne semble anormal, pourtant quelque chose cloche. On attend le drame.
Rapidement, un chambardement s’installe et perturbe les repères que vous vous étiez fixés. Des portails apparaissent dans la maison, ce sont soit des connecteurs, soit des énigmes. Les énigmes sont centrales dans Visage, et chacune d’entre elles vous plonge dans des tableaux machiavéliques dont il faudra vous soustraire. Vous obtiendrez ainsi différents objets à utiliser durant votre investigation. Parfois tordues, ces énigmes ne sont jamais pour autant dénuées de logique, Visage mettant plutôt à profit votre sens de l’observation et votre mémoire pour vous repérer dans un chaos général.
Les énigmes sont un régal et l’une appelle la suivante. Chacune d’entre elles est une véritable expérience.
Les mises en scène de certaines énigmes sont véritablement marquantes, et parfois contemplatives.
Dans visage nulle surenchère, mais une psychose constante.
Si vous pouvez prétendre à visiter rapidement une grande partie de la demeure, c’est à vos risques et périls. En effet, rester trop longtemps dans l’obscurité fera décroître votre jauge de santé mentale, et à cette mesure des évènements de plus en plus troublants se produiront. Nous pointons ici à mon sens tout le génie des développeurs : la terreur de Visage provient de la peur d’avoir peur face à un danger omniprésent, et non de la peur elle-même. La crainte d’un évènement anormal est parfois presque insoutenable, au point de nous rendre psychotiques. Cette psychose est exacerbée par la finesse avec laquelle a été réalisé le level design, jouant sur les ombres, la sélection des objets et leurs dispositions souvent ambiguës, ou encore la caméra dont nous perdons parfois le contrôle laissant libre cours aux pires scénarios.
L’ambiance est vraiment pesante.
De fait, couplé à sa liberté d’action le caractère imprévisible de Visage le place loin de ces jeux d’horreur tombant dans la surenchère que j’aime qualifier de “train fantôme” comme le célèbre Outlast, restant sympathique tout de même. Vous n’êtes ici pas sur des rails, mais véritablement livré à vous-même avec peu d’indications pour survivre et tenter tant bien que mal de quitter cette folie noire. Visage est sombre, dérangeant, croyez-moi il va vous falloir un certain effort pour avancer.
Si vous tombez à court d’une source de lumière, ou si vous vous perdez, vous risquez bien d’y rester. Dolorès n’est pas le seul danger.
La peur est dans le détail
SadSquare Studio aime son jeu et cela se ressent. Malgré quelques défauts handicapants comme cette maniabilité des objets hasardeuse nous empêchant parfois de les lâcher ou des facilités comme la duplication de certains éléments de mobiliers un peu trop présente, Visage touche du doigt l’excellence. Graphiquement, cela fonctionne parfaitement. On y croit, l’ambiance des années 1980 est bien retranscrite, les textures sont belles et surtout les énigmes nous embarquent parfois hors du cadre de la maison dans des environnements totalement fous.
En termes de folie, ce dédale semble tout droit sortir d’une œuvre de Maurits Cornelis Escher.
Les musiques sont minimalistes et collent parfaitement à l’ambiance, savamment utilisées elles disparaissant souvent, laissant la place à de lourds silences où nous sommes seuls avec ce parquet qui craque, cette ampoule qui grille et cette porte qui claque. La peur est ici dans le détail, comment ne pas citer d’ailleurs l’absence de pause dans les menus, même durant les sauvegardes ! Trois secondes sont nécessaires pour mettre le jeu en pause avec une manipulation, ici encore le jeu nous rappelle bien que nous ne pouvons nous échapper.
Giger est une inspiration pour beaucoup.
Le jeu a été testé sur les deux premiers chapitres et d’autres sont normalement à venir. À ce titre, et en attendant notamment quelques correctifs, le jeu aurait pu bénéficier de quatre pépites. Mais Visage a été une telle claque pour moi, avec son ambiance indescriptible et toute l’inspiration, la passion que l’on ressent de ses développeurs, que le jeu se hisse à mon sens déjà comme une référence et mérite amplement ses cinq pépites aux côtés des plus grands.