Rpg isométriques

Parce que l’âme des RPG isométriques n’est pas un mythe

Un phénomène fasci­nant tra­verse l’his­toire du jeu vidéo depuis les années 90. Cette per­spec­tive en trois-quarts, cette caméra fixe qui sur­plombe des mon­des entiers comme un regard omni­scient. Bal­dur’s Gate, Planescape Tor­ment, Dis­co Ely­si­um… Ces jeux por­tent quelque chose que les gross­es pro­duc­tions en 3D ultra­réal­istes n’ar­riveront jamais à cap­tur­er. Une vraie âme, justement.

arcanum meilleurs rpg
Désolée, mais… impos­si­ble de par­ler de RPG isométrique sans citer Arcanum.

La contrainte qui libère la créativité

Para­doxale­ment, c’est parce que ces jeux sont lim­ités tech­nique­ment qu’ils devi­en­nent des œuvres d’art. Quand les moyens man­quent pour tout mon­tr­er en 4K avec des ani­ma­tions faciales hyper-réal­istes, l’oblig­a­tion de racon­ter s’im­pose. D’écrire. De faire boss­er l’imag­i­na­tion du joueur.

Les meilleurs RPG isométriques fonc­tion­nent comme de la lit­téra­ture inter­ac­tive. Des pavés de texte, certes, mais ces pavés trans­portent plus loin que n’im­porte quelle ciné­ma­tique scrip­tée à coups de mil­lions. Planescape Tor­ment bal­ance des dia­logues de 10 min­utes, et bizarrement, l’hyp­nose opère. Parce que l’écri­t­ure est dense, poé­tique, philosophique. Après c’est sûr, c’est pour les con­nais­seurs, un peu comme le jeu Inquisi­tor.

L’immersion par l’abstraction

C’est con­tre-intu­itif mais vrai : plus c’est abstrait, plus l’im­mer­sion est totale. La vue isométrique crée une dis­tance qui para­doxale­ment rap­proche de l’essence du jeu. Pas de dis­trac­tion avec les tex­tures des murs ou les reflets dans une flaque d’eau. On se con­cen­tre sur les choix à faire, les con­séquences (des dia­logues ratés), les builds de nos per­sos, les fac­tions, les dra­mas des PNJ…

Cette per­spec­tive vient des jeux de plateau. Du Don­jons & Drag­ons papi­er. Une dimen­sion tac­tique, stratégique, qui force à penser plutôt qu’à réa­gir. Pas le réflexe du FPS, mais la réflex­ion du tacticien.

Age of décadence RPG isométrique
Une autre pépite du RPG isométrique : The Age of Decadence

Le culte de la mécanique profonde

Les RPG isométriques pro­posent sou­vent des sys­tèmes de jeu labyrinthiques. Des arbres de com­pé­tences qui ressem­blent à des frac­tales, des inter­ac­tions entre sorts qui deman­dent un doc­tor­at en math­é­ma­tiques, des builds si poin­tus qu’ils peu­vent péter le game en deux. Mais bon, c’est pour ça qu’on les aime !

Divin­i­ty Orig­i­nal Sin 2 demande 20 heures avant de vrai­ment com­pren­dre com­ment exploiter les syn­er­gies élé­men­taires. Pathfind­er Wrath of the Right­eous ressem­ble à un tableur Excel qui a pris vie. Quant à Black Geyser : Couri­ers of Dark­ness, il se savoure comme une bonne saga romanesque (à plus de trois tomes). Et c’est exacte­ment ce que les joueurs recherchent. Une com­plex­ité qui nour­rit l’imag­i­na­tion mais surtout l’e­sprit. Des jeux où on n’est pas des con­som­ma­teurs pas­sifs mais comme des acteurs qui veu­lent maîtris­er un système.

L’héritage underground qui persiste

Ces jeux por­tent l’essence de la scène RPG des années 90–2000. Une époque où les développeurs étaient des nerds pas­sion­nés qui créaient des jeux pour d’autres nerds. Dis­co Ely­si­um incar­ne par­faite­ment cette démarche : un stu­dio estonien indépen­dant qui bal­ance sa vision poli­tique absurde et géniale sans deman­der la per­mis­sion à per­son­ne. Il y a aus­si Atom RPG et tous les désirs autour du lore sovié­tique (la momie de Lénine, les cor­ni­chons, etc.)

momie de lenine atom rpg
Pour ma part j’ai eu mon lot de bar­res sur ce jeu !

Et il y a aus­si Bal­dur’s Gate 3 qui prou­ve que cette authen­tic­ité peut con­quérir le main­stream sans com­pro­mis sur la com­plex­ité. Pas de con­ces­sions sur la lib­erté, sur le chaos émer­gent, sur les con­séquences réelles des choix. Finale­ment, il y a des titres qui démon­trent que la pro­fondeur mécanique et nar­ra­tive peut coex­is­ter avec le suc­cès com­mer­cial, à con­di­tion de ne jamais sous-estimer l’ex­i­gence du joueur ! (Oui les fans du genre sont exigeants).

Le temps comme luxe narratif

Un RPG isométrique prend son temps. Il laisse flân­er dans les ruelles d’Athkat­la, dis­cuter avec chaque PNJ de Sig­il, fouiller chaque armoire pour trou­ver un bouquin qui donne un morceau de lore. C’est l’an­ti-AAA mod­erne qui guide par la main avec des mar­queurs partout.

Stygian
Sty­gian : Reign of the Old Ones est vrai­ment une pépite isométriques pour les férus de Lovecraft.

Cette lenteur con­tem­pla­tive con­stitue un luxe devenu rare. On peut d’ailleurs citer Sty­gian : Reign of the Old Ones qui mal­gré ses quelques faib­less­es a su se faire une belle base de fans. Les jeux mod­ernes ont peur de l’en­nui, alors ils bom­bar­dent de stim­uli con­stants. Les RPG isométriques assu­ment les temps morts. Et dans ces temps morts naît l’im­mer­sion véritable.

Ils ont aus­si générale­ment leur com­mu­nauté de fans. Des forums entiers dédiés à décor­ti­quer chaque ligne de dia­logue (pour ma part je vais encore sou­vent sur Ter­ra Arcanum et je décou­vre encore des secrets), à théoris­er sur le lore ou sur les rela­tions entre les per­son­nages, chercher des lieux inédits, etc., et c’est aus­si pour cette rai­son qu’on les aime tant les RPG isométriques !

Les RPG isométriques : de l’âme dans les pixels

Si les RPG isométriques ont une âme, c’est parce qu’ils refusent de mâch­er le tra­vail. Ils exi­gent de l’at­ten­tion, un sens de l’in­tel­li­gence, mais aus­si de l’imag­i­na­tion. Ils sont impar­faits, sou­vent bug­gés, par­fois mal équili­brés. Mais cette imper­fec­tion même est humaine.

Dans un monde de jeux asep­tisés, cal­culés, opti­misés pour la rentabil­ité, ces titres restent des ovnis. Des expéri­ences qui habitent longtemps après avoir éteint l’écran. Parce qu’au fond, une âme ne se mérite pas avec un bud­get de 200 mil­lions. Elle se con­stru­it avec de la pas­sion, du respect pour le joueur, et une vision artis­tique sans compromis.

Et ça, c’est pré­cisé­ment ce que l’in­dus­trie a oublié.

Pour finir cet arti­cle, je vous partage une vidéo de Top Zone que j’ai bien kif­fée qui nous présente ses pépites préférées en matière de RPG Isométriques. Moi aus­si je me sou­viens de Min­sk et de son Ham­ster Boo !